Eh bien nous y sommes, le blog connaîtra très prochainement son nouveau style et nous voilà avec une fin d'année qui ressemble curieusement à ce que nous avons vécu il y a 6 mois, le confinement (qui nous met plus que jamais face à nous mêmes) et toutes ces incertitudes sur l'avenir. Mais il faut rester patients, nous apprécierons plus intensément encore ce qui nous aura tant manqué quand le moment sera venu.
Cette fois-ci, point de silence de mon côté, j'avance petit à petit sur ma route et cela se matérialise donc par la concrétisation progressive des divers projets que j'avais pour le blog depuis des mois voire des années.
Parmi cela, il y avait cet article que j'avais au clair dans ma tête depuis mon voyage à Barcelone il y a 3 ans mais que je n'avais pas encore commencé à mettre à l'écrit : il s'agissait de vous parler de deux maisons de parfums alternatifs made in Barcelona qui m'ont particulièrement touchée.
En fin d'année dernière, j'étais passée en coup de vent chez Jovoy Paris (rue de Castiglione dans le 1er arrondissement pour ceux qui n'auraient jamais eu le bonheur de rentrer dans cette véritable caverne d'Ali Baba des parfums rares) et j'avais passé de belles minutes à sentir et ressentir différents parfums, parmi lesquels ceux que je souhaite vous présenter.
Cela fait donc plusieurs mois que j'avais promis de concrétiser cet article (n'est-ce pas Kathleen alias Scentifolia ;) ) et ce soir, l'inspiration est encore plus prégnante car les parfumeries de quartier, qui font notre bonheur et communiquent leur passion pour le beau parfum, sont fortement menacées depuis quelques mois. Certaines ont déjà mis la clef sous la porte hélas, et c'est très malheureux. En écrivant cet article, j'essaie d'apporter ma mince contribution à l'édifice.
La première maison que j'aimerais évoquer est celle que je connais le mieux et elle se nomme Carner Barcelona. Nous en entendons de plus en plus parler, elle semble bien s'installer sur le marché (pourtant bien encombré maintenant) de la parfumerie alternative et je pense qu'elle a encore beaucoup de potentiel. D'après mes souvenirs, je l'ai véritablement découverte à Barcelone et je crois que c'était non pas à leur flagship de Barcelone mais au sein de la jolie perfumería Regia située Passeig de Gràcia. Celle ci fait la part belle à la parfumerie d'auteur et même si je n'avais pas pu prendre le temps de tout sentir, j'avais été interpellée par l'élégance et la richesse des compositions de cette marque que je ne connaissais pas vraiment jusqu'alors.
Pour rapidement vous présenter la Maison, elle est relativement récente puisqu'elle a été fondée par Sara Carner en 2010 (mais pour une marque de niche, c'est déjà une belle performance). Sara Carner est issue d'une famille d'artisans qui travaillaient le cuir et c'est un peu comme cela qu'elle envisage sa marque : le meilleur de l'artisanat, le sens du détail et du travail bien fait, mêlé à la volonté de retranscrire toute la modernité de la cité catalane. A titre très personnel, c'est vraiment ce qui m'a frappée en découvrant leurs premiers jus : une qualité perçue indéniable et une vraie personnalité, à la fois nostalgique et bien dans son époque.
Pour en revenir à ma découverte de ces parfums, en revenant de Barcelone je peinais à me souvenir des noms mais je m'étais dit qu'il ne devait pas y avoir tant de marques créées dans la ville. Finalement un jour, en flânant comme très souvent sur le blog Auparfum, Carner apparut sous mes yeux ébahis : c'était bien elle. Plusieurs parfums m'avaient intriguée dont Cuirs qui m'avait beaucoup plu, je m'en souvenais à présent, ainsi qu'un ou deux autres dont le nom m'échappait toujours. Puis une critique était consacrée à l'une de leurs créations dans NEZ, le magazine. Il me semble que c'est tout début 2018 que j'ai finalement senti à nouveau les fragrances phares sur Paris, commandé quelques échantillons pour finalement craquer pour plusieurs parfums coup sur coup.
Le premier fut Cuirs, bien entendu. Tout d'abord parce que j'étais dans ma période où j'essayais d'étoffer le nombre de parfums aux notes cuirées dans ma collection (parfums que j'avais toujours affectionnés mais que je n'osais pas acquérir jusqu'à mes trente ans !) et également parce que c'était celui dont j'avais vraiment gardé un joli souvenir lors de mon escapade barcelonaise. Pour les perfumistas qui apprécient les notes cuirées, c'est une fragrance inspirée (et très ancrée dans l'historique personnel de la créatrice), créée par Sonia Constant (qui a notamment travaillé pour Narciso Rodriguez et Tom Ford mais aussi co-fondé la maison Ella K). La structure cuirée est très élégante, avec une facette tabac en pierre angulaire autour de laquelle vont s'articuler diverses notes boisées (je note particulièrement un coté santal crémeux et le cèdre qui renforce la structure cuir ainsi qu'un côté patchouli qui n'est pas sans me rappeler le beau Coromandel de Chanel sous certains aspects). Son fond musqué et une once de fève tonka lui enlèvent toute rudesse, sans pour autant lui faire perdre en caractère. Selon moi, un très joli cuir en résumé.
Puis, j'ai succombé à D600 et à Sweet William.
Le premier est une fragrance fondamentalement épicée (poivre, cardamome), qui ne manque donc pas de style mais qui retranscrit bien la particularité de Barcelone : une âme moderne qui encapsule pourtant toute la convivialité et l'art de vivre des pays méditerranéens. Dans mon article sur mon premier voyage au sein de cette ville merveilleuse, c'est que j'avais déjà souligné, cette agitation et ce côté contemporain, contrebalancés par une réelle chaleur qui nous accueille dès les premiers instants passés en son coeur. D600 retranscrit cela par une originalité assez saisissante, une fraîcheur méditerranéenne par les agrumes (je croirais y deviner le sourire d'El Quim de la Boqueria), une élégance conférée par les notes florales irisées et de fleurs blanches, mais aussi par la facette boisée cédrée - vétiver, le tout arrondi par un fond légèrement vanillé qui vient simplement apporter ce réconfort, ce côté avenant que nous avions très vite noté dans la ville. Pour la petite histoire, D600 correspond à une référence à l'avenue Diagonale (Avinguda Diagonal en catalan) qui, comme son nom l'indique, traverse une bonne partie de la ville en diagonale. Longue de plus de 10km, elle part de la mer (Diagonal Mar) pour aller jusqu'à la limite Ouest de la ville en passant principalement par deux quartiers : l'Eixample et Poblenou. Elle s'imprègne donc de plusieurs ambiances et à mon sens, le parfum exprime parfaitement ce mélange de sensations.
Sweet William est l'un de mes autres coups de coeur immédiats et sur celui ci, la facette un rien vintage qu'il arbore m'a immédiatement séduite. Cette fragrance est une véritable ode à une variété d'oeillet toute mignonne que l'on a surnommée ainsi en anglais (l'histoire raconte que les jeunes hommes célibataires qui étaient à la recherche de l'amour accrochaient des oeillets rouges à leur boutonnière sur leurs portraits) et qui attire irrésistiblement oiseaux, abeilles et papillons (tiens donc ! ;) ). Sweet William est indéniablement dans une thématique plus romantique (à l'instar des autres parfums floraux de Carner), mais pas niaise pour autant. J'aime inlassablement ses facettes épicées très présentes en ouverture qui incarnent pour moi un aspect fougueux tempéré ensuite par des notes d'ylang, de rose et d'iris sur un fond vanillé et ambré cosmétique à souhait. Douceur et passion, n'est ce pas là le parfait équilibre de la rencontre amoureuse ?
Enfin, j'ai aussi eu un coup de coeur pour Tardes (que je n'ai pas encore acquis en format vente cependant). Il a été pensé comme l'évocation de la douceur d'une soirée d'été et j'aime son poudré réconfortant qui n'est pas sans m'évoquer l'Infusion d'Amande de Prada (pas étonnant quand on sait que c'est Daniela Andrier qui est derrière ces deux merveilles) mais également l'univers d'Olivia Giacobetti (en particulier Drôle de Rose, Jour de fête et L'Eté en douce). Si vous me connaissez depuis quelque temps et me lisez sur les réseaux sociaux par exemple, vous savez à quel point j'admire ces deux créatrices et la poésie qu'elles arrivent à instiller dans leurs oeuvres qui sont à la fois accessibles et signées. Dans Tardes, on retrouve beaucoup de tendresse, les notes de rose, d'amande, d'héliotropine, de musc et de coumarine s'acoquinent avec un fond boisé pour un effet enveloppant qui, en ce sens, peut effectivement évoquer l'idée d'un soir d'été, la caresse du soleil au couchant et son vent chaleureux qui transporte en son sillage l'ensemble des essences botaniques qu'il a rencontrées sur son passage. C'est un parfum d'une grande poésie qui m'évoque aussi une odeur de peau, celle de l'être aimé et l'effet d'un gros câlin, une étreinte dans laquelle on pourrait se lover des heures durant. Rien que de parler de cette beauté, j'ai maintenant envie de m'en parer jusqu'à l'éternité ou presque ! :-)
Dans le même style poudré et réconfortant, il y a le bien nommé Besos créé par Shyamala Maisondieu, qui comme son nom l'indique raconte des étreintes et des baisers enivrants. Sa structure autour d'un coeur iris aldéhydé-fleur blanche aux inflexions poivrées et son fond doudou musqué et vanillé sont d'une belle harmonie, entre romantisme et abandon. Un autre très joli parfum dans la "Love collection" de Carner.
Pour terminer, il y a beaucoup de jus que je ne connais pas encore (les nouveaux principalement) mais également 4 parfums que j'avais surtout connus par des échantillons :
- El Born : hommage au quartier barcelonais du même nom (proche du vieux port pour les initiés), il a l'avantage d'avoir une personnalité bien affirmée. Comme ce quartier de la vieille ville qui mêle héritage du passé et dernières tendances en matière d'art et d'art de vivre, El Born de Carner Barcelona est un parfum multi facettes. Il s'ouvre sur un accord qui évoque le nez des spiritueux haut de gamme, tout en nuances. Les baumes et résines évoquent un vieux rhum ou un whisky aux arômes de fruit, de miel, de vanille et de réglisse (ce dernier effet semble conféré par l'angélique) et contrastent avec une facette florale poudrée assez surprenante, qui apporte une certaine sophistication à l'ensemble. Je n'ai pas eu un coup de coeur absolu et je regrette une sensation de bois ambrés en fond, cependant cela reste une belle fragrance que j'aime porter de temps en temps.
- le trio d'orientaux traditionnels Ambar del Sur, Palo Santo et Megalium fait partie des jus que j'ai découverts le plus récemment car j'étais dans une période où je cherchais de jolis ambrés pour l'hiver. Je n'ai pas véritablement converti l'essai mais ils sont tout de même jolis comme presque tout ce que propose la maison catalane. Ambar del Sur est un ambré boisé davantage articulé autour d'un patchouli qui confère un côté légèrement terreux et cacaoté et d'une facette résineuse voire encensée (labdanum et myrrhe). Palo Santo célèbre ce bois sacré comme son nom l'indique et suite à une ouverture très évocatrice encore une fois d'un rhum vieux, il met en exergue des facettes plus crémeuses en contraste de l'aspect boisé fumé - encens et légèrement aromatique soutenu par le vétiver. A y repenser, je me demande si ce n'est pas le plus signé des 3. Enfin, Megalium est plus axé sur les facettes épicées avec une forte dominante cannelle. Puis il évolue sur des facettes encens que j'aime particulièrement. Les trois sont à la fois intenses et délicats.
Il me reste de nombreuses oeuvres Carner à découvrir mais jusqu'ici, tout ce que j'ai senti m'a intriguée et emmenée vers un territoire qui est propre à la maison et rien que pour cela, cela vaut la peine de découvrir leurs jus.
Quelques années plus tard, j'ai découvert un peu par hasard la maison Ramon Monegal, tout d'abord sur les réseaux sociaux puis chez Jovoy (toujours lors de ma dernière escapade parisienne). Je l'avais également déjà aperçue sur le site de Première Avenue, boutique que j'apprécie beaucoup, mais je n'avais pu réellement m'imprégner de leurs parfums qu'à cette occasion.
Tout d'abord il faut savoir que Ramon Monegal, le créateur, est issu d'une grande lignée de parfumeurs puisque sa famille avait fondé la maison Myrurgia, fournisseur officielle de la cour d'Espagne qui fut ensuite rachetée par Puig. Il me semble que désormais il ne reste pas grandchose hélas de cette maison, cependant en 2009, Ramon Monegal a souhaité créer sa propre marque à Barcelone après des années à faire ses gammes auprès de parfumeurs de renommée mondiale et avoir également étudié le design.
Il avait dans l'idée de créer cette maison pour pouvoir laisser s'exprimer sa créativité artistique de manière plus libre, sans toujours se rattacher à des contraintes de coût ou de potentiel de commercialisation. Désormais, la maison Ramon Monegal reste encore confidentielle mais elle est tout de même assez répandue dans les parfumeries spécialisées dans les parfums rares ou alternatifs.
Si j'ai beaucoup apprécié leurs créations autour du cuir (Mon cuir et Cuirelle de mémoire), celui qui m'a le plus émue était Umbra. Même si on peut le qualifier de parfum aromatique / fougère, je lui ai trouvé une véritable signature. Très nuancé, tour à tour boisé, résineux, terreux et épicé, il est construit sur un accord autour du fir balsam (note que j'aime particulièrement travailler), du géranium et de la mousse de chêne tout en reposant sur un fond confortable et coumariné. Il donne l'impression de se promener en forêt à la mi saison, avec ses odeurs d'arbres, de mousses et d'humus encapsulés dans la rosée, qui se révèlent aux premiers rayons du soleil. Je ne saurais dire pourquoi mais il m'a rappelé des souvenirs, d'enfance certainement, comme un air de déjà vu, une réminiscence de jolis moments vécus. Je m'imagine très bien le porter, même s'il siérait également très bien à un bel homme élégant, mystérieux et discret.
Je ne connais hélas pas bien les autres fragrances de la Maison Ramon Monegal pour l'instant mais ce que j'ai senti m'a donné envie d'en savoir davantage. Peut être lors d'un prochain voyage à Barcelone quand voyager sera de nouveau plus simple ? On ne sait jamais ! ;)
Je suis certaine qu'il doit exister d'autres jolies maisons de parfum barcelonaises ou plus largement ibériques mais ces deux là prouvent que la parfumerie alternative espagnole est relativement méconnue mais capable de proposer de jolies oeuvres. J'espère que si vous en avez l'occasion, vous irez à leur rencontre. Qui sait, peut être que votre prochain coup de coeur olfactif sera pour l'une de leurs créations ?
Et si vous les connaissez déjà, n'hésitez pas à partager vos ressentis, ici ou comme habituellement sur les réseaux sociaux.
Je vous laisse maintenant, je vais voyager olfactivement dans la capitale catalane, parce qu'au travers de l'art et dans nos rêves, l'évasion n'est soumise à aucune restriction ! :)
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